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— Ne savez-vous pas aussi combien et comment je vous aime ?

— Hélas ! j’ai perdu l’habitude du bonheur : ce trésor inattendu que vous m’offrez, il me paraît si fragile dans mes mains tremblantes !… Ô mon ami, êtes-vous bien sûr de vous ? Dites, vous ne m’aurez pas appelée à la vie, à la joie, à la lumière, pour me rejeter dans la solitude et dans la nuit ?… Je m’abandonne à vous d’un cœur si confiant !… Ne me faites pas de mal ! J’ai tant souffert ! Je voudrais tant ne plus souffrir, être un peu heureuse !… Soyez indulgent et doux pour moi.

— Ma bien-aimée !… Ma pauvre bien-aimée !…

— C’était si cruel d’être seule, toujours seule !… La solitude, l’ennui… Qu’allais-je faire ? J’ai eu des instants de folie… Et puis je vous ai connu, je vous ai aimé… Comme nos yeux se parlaient malgré nous !… Ô mon ami, mon amour, puisque vous êtes venu, dites-moi, répétez-moi que vous ne vous en irez plus, jamais, de ma vie !

— Fanny, ignorez-vous donc ce que vous êtes pour moi ?… Vous êtes la sœur, l’amie, l’amante, l’épouse, tout ce que la femme peut être de plus vénérable et de plus charmant. Et comme vous, bien-aimée, j’implore : « Puisque vous êtes venue dans ma vie, ne vous en allez plus jamais, mon amour ! »

Ils se contemplaient, transfigurés dans une admirable expression d’extase presque douloureuse. Et Fanny, tout à coup, posa sa main sur les cheveux blonds, qu’elle effleura d’une caresse…

Un souffle orageux vint de l’ouest, chassant de gros nuages qui décoraient fastueusement le ciel. Des