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relations mondaines, ni dot… Et je ne suis pas loin de penser que c’est une folie, en effet, que vous allez faire…

— Est-ce une folie que d’accomplir la volonté de Dieu, et notre rencontre ne fut-elle pas, pour tous deux, providentielle ?

Fanny murmura :

— Une jeune fille, pure comme vous, une âme blanche… Mais non, une enfant ignorante ne vous aimerait pas comme je vous aime. Elle ne comprendrait pas ce qui fait le charme exceptionnel, unique, de votre caractère… Moi, je vous aime… (D’un geste involontaire, elle pressa sa joue contre l’épaule d’Augustin, frissonnant au contact de l’étoffe rude). Je n’ai pas une âme sublime, je ne suis pas sainte, je ne suis pas héroïque : vous ne m’admirerez pas, Augustin, mais vous verrez que je sais bien aimer. Je suis un peu Italienne par ma mère, et je ne ressemble guère aux Françaises coquettes et prudentes qui entretiennent par leurs caprices le désir des hommes et l’irritent par leurs refus. L’amour fait de moi un être faible et violent, mais sincère… Je ne ruse pas, je ne mens pas ; je hais les subterfuges misérables. Et c’est terrible, ce sentiment qui me livre, corps et âme, sans défense, tout entière à celui que je ne suis pas sûre de posséder tout entier.

— Je suis tout à vous, Fanny,

— Ah ! j’ai peur de vous et de moi… J’ai peur de trop vous aimer… Depuis bien des jours, je ne faisais que vous attendre… Mais j’étais calme encore… Nos petites joies quotidiennes me suffisaient. Maintenant, j’ai vu le fond de moi-même : je sais combien je vous aime et comment…