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mois, une courte lettre à ma mère. J’ai eu quelquefois des velléités de lui écrire, de lui raconter mon amour, mes projets… Une sorte de pudeur m’a retenu… J’ai craint de mal expliquer mes sentiments, d’alarmer M. Forgerus, qui eût alarmé ma mère, par contrecoup.

— Votre mère ne soupçonne rien ?

— Ma mère est une solitaire, une recluse… Elle ne voit que M. Le Tourneur et les Courdimanche… Je les mettrai à moitié dans la confidence, ces bons Courdimanche, pour qu’ils soient engagés d’honneur à ne point nous trahir… On est si méchant dans les petites villes !… Quand mes vieux amis sauront que vous voulez devenir une bonne catholique, ils vous chériront, j’en suis sûr.

— Mais, votre mère… M. Vitalis m’a parlé de sa haute intelligence, de ses vertus… Elle m’effraie un peu…

— Ma mère, quand elle saura votre histoire si touchante, quand elle sera certaine que vous partagez notre foi, ma mère ne demandera pas si vous êtes riche ou pauvre, laide ou jolie…

— Vous êtes optimiste, mon cher Augustin… Madame de Chanteprie doit souhaiter pour bru, une jeune fille de votre monde, élevée au couvent dans les bonnes traditions, et que vous n’auriez pas besoin de convertir avant de l’épouser.

— On nous l’avait présentée, cette jeune fille : je n’ai pas désiré la voir deux fois.

— Votre mère, vos amis diront que c’est folie, à votre âge, d’épouser une femme plus âgée que vous, une artiste, une indépendante, et qui n’a ni famille, ni