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volonté… Et déjà il me semble que vous êtes inquiète, émue… Je devine en vous un sourd travail… Nous séparer ! nous séparer, maintenant… après cet aveu !… N’est-ce pas que ce n’est plus possible, maintenant ?

— Eh ! que sais-je ? fit-elle. Qu’exigez-vous de moi ? C’est terrible… Suis-je maîtresse de mon esprit qui se révolte et s’égare ?… Puis-je croire malgré moi ?… D’où me vient l’émotion, la joie que je ressens ?… Je ne me connais plus moi-même… Vous avez enivré ma raison et mon cœur… Croire ! aimer !… Mais je ne sais pas si c’est Dieu que je cherche ou vous que j’aime !

— C’est Dieu que vous cherchez en m’aimant. (Et, tout à coup, Augustin pâlit.) Vous l’avez dit, vous m’aimez… C’est donc vrai !… Cette heure est venue… Je ne la croyais pas si proche… Ô Fanny, je ne vous ai pas tendu un piège ; je n’avais pas prémédité cette conversation, cet aveu… Nous avons parlé malgré vous, malgré moi… Dieu a tout conduit ! Il vous éclaire enfin, il vous éveille, il vous promet à moi, ô mon unique amour !… Écartez vos mains. Laissez-moi vous regarder… Oh ! votre sourire, vos larmes délicieuses !… Vous m’aimez ! Vous m’aimez ! Dieu est bon…

Il abaissait presque violemment les mains de la jeune femme, et, dans un délire de bonheur, il lui parlait visage contre visage.

— Fanny, je vous entraînerai, je vous sauverai ! Qu’est-ce que les révoltes de la raison ?… L’amour, l’amour humain et divin emportera tout, fera place nette… Ne discutez pas, ne résistez pas ! Laissez faire la grâce… Ô mon amie, ô ma compagne éternelle, ô chère âme rebelle et vaincue, chère âme…