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nom,) Fanny, n’est-ce pas, pour une femme aimée, une certitude très douce et consolante ? Celle que j’aimerai, je l’aimerai sans partage, sans défaillance, jusque dans la vieillesse, jusque dans le tombeau, jusque dans les mystérieuses expiations et les mystérieuses récompenses de l’éternité, car, malgré l’inégalité des mérites, Dieu se souviendra de sa promesse et ne voudra point séparer ce qu’il a uni… Oh ! Fanny, ne sentez-vous pas ce que vaut un tel amour : un amour que rien ne rebute, qui donne tout, qui ne désespère jamais, qui comporte tous les silencieux renoncements, toutes les ambitions héroïques, l’amour enfin d’un homme qui ne croit pas à la mort ?

Il parlait d’une voix véhémente, redressant sa haute taille, le bleu de ses yeux étrangement avivé.

— Ah ! s’écria Fanny, troublée, tremblante, pourquoi me parlez-vous ainsi ?… En vous écoutant, moi qui ne suis pas… pas encore… chrétienne, je me demande si j’ai été vraiment aimée, si j’ai aimé vraiment… Si vous saviez ce que le monde appelle amour ! Si vous connaissiez la bassesse, la lâcheté des hommes… et l’ignominie de leurs désirs… Si vous soupçonniez quelle lie de souvenirs vous remuez dans mon âme !… Pourquoi me parler ainsi, à moi… à moi !…

— Parce que… ce sacrifice du rêve et de l’amour, ce sacrifice que je suis capable de faire, et dont la pensée me déchire maintenant, ce sacrifice vous pourriez nous l’épargner, Fanny !

Nous l’épargner ?

— Ô Fanny, vous avez dit : « Je ne suis pas… pas encore… chrétienne. » Mais faites un pas seulement… Dieu ne vous demande qu’un peu de bonne