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que la Mère Agnès détourna du mariage… Vous froncez les sourcils, M. de Pontchâteau, vous qui ne fûtes pas insensible aux attraits d’une demoiselle romaine… Rappelez-vous donc le vertueux attachement que les dames de Liancourt et de Luynes, vos amies, témoignèrent à leurs époux. Rappelez-vous les noces chrétiennes de M. Issali, honorées par les prières et les présents de la Mère Angélique. Considérez sans colère cette créature de Dieu que j’ai choisie et que je mène, par des voies obscures, vers l’éternelle vérité. Le plein jour de la grâce n’a pas lui sur elle… mais je l’aime pour sa misère, pour son ignorance, pour son erreur, pour le sang de Jésus qui la couvre… Pardonnez-lui d’être jeune et belle ! Pardonnez-moi de la chérir ! ».

Ainsi parlait Augustin de Chanteprie, avec son âme, effrayé par l’hostilité mystérieuse des morts.

— À quoi pensez-vous donc ? dit Fanny de sa voix caressante.

— Ma pensée divaguait… Je me divertissais puérilement à ranimer ces figures silencieuses : les Messieurs me demandaient qui j’étais et qui vous étiez, et ce que nous faisions dans leur retraite…

— Et vous avez répondu ?

— Vous saurez ce que j’ai répondu… Venez, madame.

Ils traversèrent l’emplacement de l’église, et s’arrêtèrent devant un petit enclos où s’élevait une stèle funéraire.

— C’est le « cimetière du dehors » et le tombeau de Racine, n’est-ce pas ? dit la jeune femme. Pauvre Racine ! Les Messieurs haïssaient les mensonges de l’art autant que les réalités de l’amour.