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a ici que des souvenirs. L’abbaye primitive, les annexes, ont été rasés en 1709, et les profanateurs ont chassé les morts mêmes de leurs tombeaux… Faites un effort d’imagination : représentez-vous ces grands bâtiments, cette église du xiiie siècle, que je vous ai montrés sur le plan de mademoiselle Boullongne. Ici, était la cour extérieure, la Maison des Hôtes ; là-bas, l’hôtel de madame de Longueville, et, là-haut, sur la colline, la ferme des Granges où logeaient les Messieurs… Allons plus loin… Prenez garde à ne pas vous heurter à ces pierres, éparses dans la broussaille… C’est ici l’emplacement de l’église… Le sol primitif, très humide, qu’envahissaient parfois les eaux de l’étang, avait été exhaussé en 1651, et la mère Angélique y avait fait jeter plus de douze tombereaux de sable. Les démolisseurs n’ont pas songé à creuser la terre pour détruire jusqu’aux fondements du sanctuaire, et des fouilles récentes ont mis à jour ces tronçons de piliers qui marquent la forme de la nef et le soubassement de la chaire… À l’endroit même où s’élevait l’autel, on a édifié cette chapelle blanche, gardée par les bustes de Pascal et de Racine. C’est le musée du Port-Royal.

Ils marchèrent côte à côte, lisant les sentences gravées sur les pierres… L’herbe, divisée par des allées étroites, simulait un jardin français. Des pigeons s’envolèrent. À l’entrée du chœur, un rosier pourpre, mi-sauvage, frôlé par la jupe de Fanny, s’effeuilla tout à coup magnifiquement. Augustin voulut en couper une branche pour son amie.

— Mettez ces roses à votre ceinture, je vous en prie : elles me rappelleront cette croix rouge que les