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milles ; l’église, le petit cimetière où, sous un frêne à branches tombantes dont le feuillage semble lassé, se pressent les dalles rompues, les croix de fer rougeâtre supportant des cercles de foin qui furent jadis des couronnes… Après la route de Dampierre, la vallée soudain s’élargit, se creuse en forme d’entonnoir ; puis un chemin caillouteux, raviné, un mur qui s’éboule…

— Nous sommes à Port-Royal, dit M. de Chanteprie. Allons d’abord jusqu’à la maison du concierge : il me connaît et me prêtera la clef du musée que nous visiterons tout à l’heure, sans nous embarrasser du bonhomme et de son discours… Prenez mon bras : les chemins mal entretenus sont pleins d’ornières…

Elle releva d’une main sa robe de batiste mauve qui traînait, accrochant les ronces, et, docile, elle prit le bras d’Augustin. Devant eux, une sorte de parc abandonné s’étalait, avec des pelouses jaunies par la sécheresse, des sentiers bordés de haies, des pans de murs vêtus d’un lierre presque noir. Les jeunes gens suivirent le chemin creux qui mène à « la Solitude » ; ils aperçurent la croix de bois plantée sur le tertre où s’asseyaient les religieuses pour filer et coudre pendant les heures chaudes du jour. M. de Chanteprie entra seul dans la maison du gardien, et revint avec la clef du musée. Fanny regardait, entre les arbres, les débris de la grange et du colombier, le fragment informe d’une tour construite pendant la Fronde…

— Je vous avais prévenue, madame ! Votre curiosité d’artiste sera déçue : il n’y a ici ni colonnes, ni statues, ni portiques brisés, ni rien de ce qui compose la traditionnelle beauté des ruines ; il n’y