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au mur, des mousselines de la fenêtre, de tout ce salon qui sentait la menthe, la lessive et le moisi, un ennui stupéfiant s’exhalait, un ennui qu’Augustin subissait avec quelque honte.

Il rentrait au pavillon, ouvrait la fenêtre, et, penché sur le balustre, contemplait le précipice noir, les feux errants dans la profondeur, une grande étoile immobile et scintillante à l’horizon. Des imaginations bizarres, coupables peut-être, lui venaient. Il songeait aux jeunes hommes de son âge, tout fiévreux d’ambition et d’amour ; à ceux qui veillaient, courbés sur des livres, à ceux qui pressaient des femmes pâmées dans leurs bras… Il se trouvait si gauche, si médiocre ; il était si ridicule, sans doute, aux yeux de Fanny !… L’aimerait-elle jamais ?… Défaillant de mélancolie, prêt aux larmes, il essayait de se distraire. Il prenait dans la bibliothèque un livre qu’il ne lisait pas, et longtemps il restait les mains vides, les yeux vagues, devant la lampe qui baissait…

Le crépitement de la mèche le faisait tressaillir. Il s’agenouillait pour la prière du soir, et c’était l’heure où, librement, sous le regard des anges, il parlait d’Elle, car il ne savait plus prier que pour Elle, pour l’âme bien-aimée qu’il nommait avec délices de son nom terrestre « Fanny ».

Quand des affaires la retenaient à Hautfort ou l’obligeaient à de courts voyages, il avait des impatiences mal réprimées, des accès de tristesse qui surprenaient Jacquine et ses amis. Partout, le besoin de voir Fanny, de l’entendre, torturait Augustin ; partout, il emportait la sensation lancinante d’un souvenir enfoncé comme un clou, au vif du cœur.