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croire que les preuves de la religion sont bien faibles ». Augustin évitait ces sortes de discours. Il savait que la foi n’est pas un don de raisonnement, mais un don de Dieu, de ce Dieu qui se nomme lui-même un Dieu caché, Deus absconditus ». La volonté y a plus de part que l’esprit, et nul ne peut croire, s’il ne veut croire.

Le jeune homme tâchait d’émouvoir Fanny, avant que de la convaincre ; il souhaitait l’amener à cette « créance qui est celle de l’habitude, et qui, sans violence, sans art, sans argument, nous fait croire les choses, et incline toutes nos puissances à cette croyance, en sorte que notre âme y tombe naturellement ». Certes, il ne doutait pas qu’au premier moment, madame Manolé, vraie fille de Montaigne, ne se rejetât vers le mol oreiller du doute… Mais du moins n’y trouverait-elle pas le repos mortel dont elle prétendait jouir. Fascinée par l’aube de la vérité chrétienne, elle connaîtrait enfin la nostalgie de Dieu.

Combien M. de Chanteprie regretta l’absence de son maître ! Investi par l’âge et la science d’une autorité quasi sacerdotale, M. Forgerus aurait su manier et dompter l’âme rebelle de Fanny. Ni M. Le Tourneur, ni M. Chavançon, ni M. Vitalis ne semblaient propres à cette difficile tâche, et madame Manolé eût malaisément accepté leur intervention. Elle avait encore la défiance du prêtre. Augustin seul pouvait s’en faire écouter…

Il pleuvait toujours. Sur le plateau, dans la vallée vaporeuse, des bouquets d’arbres, des maisons, émergeaient du brouillard, gris sur gris. L’herbe poussait plus dru sous les pommiers des pâturages. Des gre-