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peur et le dégoût de l’ « animal féminin ». Mais Fanny ne représentait pas l’ « animal féminin », ni même la séductrice, ni l’épouse. Elle était seulement une âme.

L’heure passa. Sous les treillis noirs du plomb, les verrières opaques disparurent. Une à une, les formes prosternées çà et là se relevèrent, glissèrent entre les bancs vides et, après une lente génuflexion, s’évanouirent dans l’ombre. Il n’y eut plus rien de vivant que la petite lampe dont le cœur de rubis palpite toujours.

Sans paroles, sans pensées, Augustin priait, laissant son âme se dissoudre, couler, s’évaporer, myrrhe épandue sur le pavé du sanctuaire, parfum exhalé en silence, dans le soir.

Et l’offrande était toute pure. L’amour humain et le divin amour se confondaient en un sentiment de joie angélique. La figure terrestre de Fanny, devenue transparente, irréelle, n’était plus que la châsse de cristal où rayonnait l’Esprit. Fasciné par cette splendeur, Augustin croyait la posséder, à travers le temps et l’espace, dans un mystique embrassement. Il s’offrait, victime volontaire, pour le bonheur et le salut de la pécheresse ; il se donnait, il s’immolait avec une hâte frémissante, heureuse, un grand élan de tout son être vers quelque ineffable douleur.