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côtés la joaillerie des vitraux s’éteignait, indigos violacés, pourpres noircies d’où se retirait lentement la vie charmante de la lumière. Le pas d’un visiteur invisible retentissait. La lampe de l’autel scintillait à peine. Et, dans cette pâleur, dans cette suavité du crépuscule, l’oraison devenait la confidence familière, s’enhardissait par la Présence plus sensible, balbutiait à l’oreille de Dieu.

Augustin rêvait et priait. Il tâchait de revivre les jours précédents, d’y suivre l’amour à la trace ; mais sa passion n’avait pas d’histoire. Un jeune homme, fervent chrétien, rencontre une jeune femme, belle et désirable : il ne voit pas sa beauté ; il ne la désire pas ; il souffre de la sentir réticente, réfractaire, et, par d’innocents subterfuges, il s’efforce de lui arracher un aveu. Bientôt le salut de cette créature lui devient plus cher que sa propre vie. Il veut la jeter dans le giron de l’Église, l’associer à la communion des saints. Et ce prosélytisme ingénu, cette sollicitude qui s’ignore, cet inconscient appétit de sacrifice, c’est l’Amour.

L’Amour… Ce mot proféré devant l’autel prenait un sens tout mystique dont Augustin ne s’effrayait plus. L’orage intérieur s’apaisait. Qu’il y eût, dans un sentiment si désintéressé en apparence, qu’il y eût un ingénieux mensonge de l’égoïsme, une ruse secrète du démon, c’était invraisemblable, c’était impossible, puisque, au lieu de le détruire, la prière fortifiait cet amour. Augustin se rappelait le trouble affreux qui l’avait saisi devant le sein nu de Georgette, cette tristesse physique qui l’affligeait encore aux heures de tentation. Les leçons de Forgerus lui avaient donné la