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estime et je vous aime. Il me déplairait que vous fussiez la proie d’une aventurière. Je crois donc faire mon devoir, non pas seulement de prêtre, mais d’ami, en vous aidant à prendre conscience d’un amour qui naît, qui grandit, au plus profond, au plus obscur de votre âme… C’est un monstre qu’il faut tirer à la lumière, qu’il faut regarder en face pour le dompter ou l’anéantir…

— Encore une fois, vous avez peut-être raison… Mais pourquoi ce mot d’ « aventurière » ? Elle est veuve, elle a perdu son enfant, et elle gagne péniblement sa vie en travaillant.

— Veuve ! Il y a tant de fausses veuves… Vous ne connaissez pas la malice de ces animaux-là.

— Quels animaux ?

— Les femmes.

— Madame Manolé est incapable…

— Comme vous l’aimez déjà !… Soyez prudent. Surveillez l’élan trop spontané, trop généreux de votre cœur… Voici votre chemin. Au revoir, mon ami. Je vous reverrai bientôt ?

— N’en doutez pas.

— Adieux. Mes respects à votre mère.

L’abbé Vitalis s’éloigna par un chemin de traverse, et sa forme noire disparut entre les buissons. Augustin continua sa route.

Le soleil baissait quand il descendit la rue tournante qui côtoie le jardin municipal de Hautfort-le-Vieux. Il traversa la petite ville et se réfugia dans l’église.

Un jour décoloré par les grisailles supérieures circulait entre les piliers blêmissants, et dans les bas-