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— Moi, j’aime madame Manolé ? moi ! moi ! répéta Augustin. Qu’est-ce qui vous fait imaginer ?…

— Mon pauvre enfant, vos regards, votre langage, tout, jusqu’à cette inquiétude, jusqu’à ce désir que vous avez de savoir si cette femme partage vos croyances et vos sentiments… tout révèle l’amour…

— L’amour !

— Ce mot vous fait peur ? Mais n’y a-t-il pas un amour chaste et noble qui a le mariage pour fin, et que Dieu bénit ? Jésus n’assistait-il pas aux noces ? Vous oubliez, mon cher Augustin, que le mariage est un sacrement.

— Le mariage !… (Augustin secoua la tête.) Oh ! je n’y pensais pas… Mais peut-être avez-vous raison. Peut-être me suis-je abusé sur la nature du sentiment qui me rendait cette âme chère entre toutes… Je ne dis pas : « cette femme » ; je dis : « cette âme ». Car mon affection, de quelque nom que vous la nommiez, s’adresse à l’âme plus qu’à la personne physique… Épouser madame Manolé ! Je ne songeais qu’à la tirer de l’abîme où elle est plongée. L’idée de sa misère morale et de son abandon m’est insupportable… Mais cette sollicitude dont je ne puis rougir devant Dieu, ce n’est pas l’amour, monsieur le curé.

— Qu’est-ce que l’amour, Augustin ?… Vous ne répondez pas… Allons, soyez tout à fait sincère : pourquoi n’avez-vous pas épousé mademoiselle Loiselier ?


— Parce que je la sentais trop différente de nous, étrangère à nous… parce que…

— Vous n’aviez donc point souci de son âme ?