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— Oui, fit l’abbé, je comprends :

    Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne !
    Elle a trop de vertus pour n’être pas chrétienne.

— Eh bien, oui ! dit résolument Augustin. Elle a des vertus que j’ignore, mais que je pressens par une intuition du cœur… Moquez-vous de moi, monsieur le curé, je vous le permets, encore que ce soit peu généreux et presque choquant de votre part. Je ne sais pourquoi il m’est si pénible de penser que madame Manolé n’est pas chrétienne, mais j’avoue que je ferais tout au monde pour la convertir.

— Je ne suis pas votre confesseur, Augustin, et je ne voudrais pas l’être… Je puis donc vous parler en ami, presque en camarade…

— Certes !

— Voulez-vous un conseil, non de prêtre à laïque, mais d’homme à homme ?

— Oui.

— Convertissez madame Manolé… ou fuyez-la !

— Pourquoi ?

— Parce que… parce que vous l’aimez… Oui, vous l’aimez… Il n’est que temps de vous crier : « Casse-cou ! »

— Que me dites-vous là, monsieur le curé ?… Vous prétendez que j’aime cette femme !…

— Je prétends ?… J’en suis sûr !… Ce n’est pas un crime… Elle est veuve, elle est libre. Vous pouvez l’aimer honnêtement et l’épouser.

M. de Chanteprie ne répondit pas. L’abbé le regardait, d’un air de compassion moqueuse.

— Je suppose, dit-il, que le mariage…