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Et il restait quasi stupide, regardant les fleurettes jaunes au bord du chemin.

— Eh bien ! vous dormez debout ? dit la voix railleuse du prêtre.

— Je faisais un si beau rêve, répondit Augustin.

— Vous retournez à pied jusqu’à Hautfort ?

— Oui, j’aurai plaisir à marcher… M’accompagnez-vous ?

— Jusqu’à la route.

Côte à côte, ils allèrent, salués par les paysans. Et l’abbé déclara :

— Mon cher ami, vous m’avez prié de vous suivre chez cette dame pour lui faire subir, adroitement, une sorte de petit examen moral… J’ai tiré d’elle tout ce que j’ai pu. Vous savez maintenant que madame Manolé est une franche païenne.

— Une païenne !… Oh ! vous êtes dur !…

— Elle ne sait pas un mot de catéchisme ; elle n’a pas fait sa première communion.

— Elle a été abandonnée ; elle a vécu dans un monde abominable… Comment pourrait-elle aimer Dieu qu’elle ne connaît pas ?… Il faut, monsieur le curé, il faut aider cette âme qui s’efforce vers la lumière…

— Je ne vois pas du tout qu’elle s’efforce, grommela le curé. Après tout, si ça vous fait plaisir… Oh ! cette alouette ! Si j’avais un fusil…

— N’est-ce pas un devoir de charité, de fraternité chrétienne ? reprit Augustin. Qui sait ?… Un livre prêté, une parole dite à propos peuvent agir sur cette âme, l’émouvoir, la tourner vers Dieu, insensiblement…