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Sainte-Marthe, achèvent de mourir à Magny-les-Hameaux, près des ruines que parfume le souvenir des deux Angéliques… Mais la plupart des jansénistes actuels se souviennent moins des leçons de Saint-Cyran, que des folies des convulsionnaires… Je préfère ne pas parler d’eux.

— Vous n’êtes donc pas janséniste ?

— Moi ?… Je suis catholique.

— C’est-à-dire…

— C’est-à-dire que je me soumets aux enseignements de l’Église : je crois au libre arbitre, et je ne doute point que nous ne puissions tous nous sauver, avec la grâce de Dieu…

— Avec la grâce !… répéta Fanny.

Il essaya de définir la grâce, d’en expliquer l’origine, la nature, la démarche mystérieuse dans l’âme. La jeune femme s’appliquait à comprendre. Mais il se troublait soudain, son âme scrupuleuse prise d’angoisse… Cette curiosité de Fanny, ce désir de s’instruire, n’était-ce pas, précisément, le premier mouvement de la grâce agissant en elle ?… Comment la guider, l’éclairer, lui indigne ? Parler d’un prêtre ? il n’osait pas. Et d’ailleurs, Fanny était comme le père Vittelot, que la robe noire effrayait.

— Je ferai de mon mieux, dit Augustin.

Elle le remercia. Ses mains, ses jolies mains touchaient le vieux livre, impatientes. Augustin, brusquement, prit congé.

Dehors, il s’arrêta sur le plateau, devant la maison où l’abbé Vitalis l’attendait. Une joie légère, délicieuse, paisible, faite d’espoir, de crainte, de tendresse et d’immense étonnement, dilatait, soulevait son âme.