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« semi-pélagiennes » que M. de Chanteprie essayait de lui expliquer ?… Elle voyait les peupliers pâles dans la profondeur du vallon, l’enceinte du couvent représenté sur la première page des Mémoires de Fontaine. Des religieuses en robe blanche, portant une croix rouge sur le cœur, défilaient lentement sous le cloître. M. Le Maistre, en habit gris, sciait du bois dans la cour. Le jeune Racine, errant par les bois déserts, appelait tout bas Chariclée… Et des carrosses descendaient le chemin roide, creusé d’ornières. La blonde Longueville s’avançait, et la pieuse duchesse de Luynes, et la fidèle mademoiselle de Vertus, et la fantasque madame de Sablé, et cette madame de Guéménée dont l’âme était comme un pavé glacé, ouvert à tous les vents, où tremblait la petite étincelle de la grâce… Tous et toutes sortaient de l’ombre, évoqués par Augustin.

— Je ne vous ennuie pas ?

— Oh ! je vous en prie, continuez.

Augustin continuait, il disait la persécution, la dispersion des religieuses qui refusaient de signer le « formulaire » condamnant un livre qu’elles n’avaient pas lu. Il disait la profanation suprême de 1709, les bâtiments rasés, les tombeaux violés, les morts dévorés par les chiens, et, débordant d’émotion, tel un fils qui raconterait l’outrage fait à son père, il s’animait, le sang aux joues, la flamme aux yeux, la voix plus vibrante, en vrai Chanteprie qu’il était.

— Il n’y a plus de jansénistes, maintenant ?

— Il existe une Église janséniste en Hollande, qui forme les diocèses d’Utrecht, de Harlem et de Deventer. Quelques religieuses jansénistes, les sœurs de