Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Certes. Je n’ai pas l’âme d’un Torquemada !

— Je n’ai reçu aucune instruction religieuse. Je vis dans une ignorance heureuse.

— Heureuse ! s’écria Augustin.

Elle se tourna vers lui :

— Cela vous étonne ?

— Oui… et cela m’attriste un peu…

Il rougit… Fanny l’observait, et une pensée qu’elle avait écartée déjà, comme importune et ridicule, rôdait vaguement dans l’esprit de la jeune femme. M. de Chanteprie paraissait bizarrement troublé.

Le curé soupira :

— Oui… il est fort triste que… mais la bonté de Dieu, l’indulgence de Dieu enseignent aux hommes la tolérance… Enfin, madame, vous n’êtes pas, à proprement parler, une ennemie de la religion ?

— Ni ennemie, ni amie… Je suis indifférente.

— Vous avez fait votre première communion ?

— Non, monsieur l’abbé.

— Mais vous êtes baptisée ?

— Je suis baptisée, mais ça ne prouve rien, répondit-elle, naïvement.

— Cela ne prouve rien ? dit Augustin. Mais vous ne savez donc pas ce que c’est que le baptême ?

Fanny le regarda d’un air effaré… Non, elle ne savait pas… Elle était baptisée : un prêtre avait versé de l’eau bénite sur son front d’enfant, en prononçant des paroles latines. Et cela signifiait qu’elle était chrétienne, comme tout le monde.

— Comme tout le monde !… C’est vrai, vous ne pouvez savoir ! dit M. de Chanteprie. Ce n’est pas votre faute… Mais que vous soyez heureuse, qu’un