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me l’a dit, et, dans sa pensée, il ne faisait pas de vous un mince éloge.

L’abbé déclara que Vittelot n’avait pas menti. Oui, il aimait la terre ; il aimait les durs travaux, les longues marches, cette vie régulière et saine qui fait l’homme vraiment homme. Il haïssait les névrosés et les sensitifs. Et, comme il parlait des paysans, il compara ceux de Balzac, de George Sand, de Zola, aux paysans véritables, qu’il connaissait par une expérience de toute sa vie. On sentait qu’il avait lu, au hasard, beaucoup de livres très profanes, et qu’il s’était fait un petit bagage de notions scientifiques et littéraires, bagage incomplet dont il était fier et gêné tout ensemble. Fanny se laissait entraîner au charme de la causerie. L’abbé trouvait à qui parler ; il ne s’en plaignait point. Son grand œil fauve, pareil à l’œil d’un chien braque, s’allumait d’une joie secrète. Il voulait bien passer pour un rustaud, mais non pour un imbécile.

La conversation déviait. L’abbé parlait politique sans fanatisme religieux, l’air détaché ; puis, brusquement, il sautait de la politique à la critique des mœurs, et de la critique des mœurs à la religion. Et Fanny, simplement, avouait son ignorance…

— Vous ne pratiquez pas ?… Oh ! je n’en suis qu’à moitié surpris. Trop de femmes de votre âge s’éloignent de l’Église, et ce serait une belle et fructueuse entreprise que de les convaincre et les ramener…

— Mais je ne suis pas éloignée…

— Vraiment ?

— C’est-à-dire… Je puis vous parler franchement, monsieur le curé ?