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leur ami, monsieur le curé de Rouvrenoir, qui vient vous faire sa visite pastorale.

Fanny regarda Vitalis :

— Mais je connais fort bien monsieur le curé… Nous nous sommes rencontrés l’autre semaine, un matin, dans le bois…

— Oui, dit l’abbé, je m’étais installé sur la lisière du bois communal, avec mes gluaux. J’étais fait comme un sorcier… Tout à coup, j’entends un cri : et j’aperçois madame…

— Ah ! vous m’avez fait une belle peur ! dit Fanny.

Elle riait, enchantée… Un curé chasseur, un curé qu’on rencontrait au petit jour, dans la bruyère, un curé si peu curé par l’allure, la mine, le ton, n’était-ce pas un type amusant, imprévu, sympathique ?

— Vous aimez la chasse, monsieur le curé.

— Hélas ! oui, madame. C’est une passion héréditaire, une coupable et malheureuse passion. Je suis fils de braconnier, un peu braconnier moi-même, et, quand j’entends le frou-frou du faisan qui part ou le tireli de l’alouette qui monte, tout mon sang de maraudeur s’émeut… Je suis chasseur d’oiseaux et chasseur d’âmes.

Madame Manolé fit asseoir les deux hommes. L’abbé examinait curieusement les meubles, les études accrochées au mur, la maîtresse du logis elle-même. Il avoua qu’il n’était pas artiste : la peinture ne l’intéressait pas, ni la sculpture, mais il adorait la musique.

— J’ai joué de l’harmonium, autrefois, au séminaire, mais, à présent, je suis devenu plus paysan que les paysans.

— Vous aimez la terre… C’est le voisin Vittelot qui