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— Je vous quitterai donc au carrefour. Je dois prendre le train de six heures.

— Bien.

Ils se levèrent très calmes, très polis, redevenus un monsieur et une dame.

— Nous partons ?

— Oui.

Elle allait vers les bicyclettes, ajustant l’épingle de son chapeau, les bras en l’air. Soudain, Barral l’étreignit, l’enveloppa, froissant la chemisette de mousseline, cherchant la bouche qui se refusait. Elle fit un « Ah ! » d’indignation. Le baiser glissa sur les cheveux, suivant la rondeur de la joue, rencontra les lèvres fermées, serrées obstinément.

— Je vous aime. Vous m’aimerez. Je veux que vous m’aimiez !

Il répétait : « Je veux » avec une obstination enfantine dont Fanny devait bien rire, le lendemain. Mais, furieuse de cette violence, elle ne riait pas. Elle luttait, petite hirondelle noire et blanche, prise aux serres du faucon.

— Laissez-moi. Vous m’offensez.

Il obéit. Sur sa gorge meurtrie par des caresses brusques, elle arrangea sa chemisette. La cravate de dentelle, tout arrachée, pendait lamentablement. Barral vit le désastre. Ce détail le terrifia. Il se trouva stupide et grossier.

— Je suis une brute… Fanny, je vous demande pardon… Je suis désolé, Fanny ! Je ne recommencerai plus, plus jamais.

Il était penaud, si navré, que la jeune femme se mit à rire :