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rancune contre cet homme qui ne pouvait pas, qui ne voulait pas prendre l’attitude conventionnelle de l’amant. Il était trop calme aussi, trop fier de sa force, trop heureux. Il n’avait pas besoin d’elle. Fanny rêvait d’un ami plus doux, tendre, triste, qu’elle eût consolé d’un grand chagrin, réconcilié avec la vie, et qui l’eût adorée infiniment.

Pour cet amant qui viendrait, tout différent du mari capricieux et dur, des camarades flirteurs, sans vraie tendresse, Fanny, jalouse, se gardait. Pourquoi Georges s’interposait-il entre eux ? Il était, lui, Barral, l’amour tout simple, l’amour dépouillé de ce qu’il appelait plaisamment « les festons et les astragales », l’amour qui ne flatte pas l’imagination, mais qui s’impose comme une force de la nature et qui trouble.

À son insu, Fanny subissait cette force. Elle bravait le désir de Georges avec colère et volupté. Mais elle défendait son âme, résolue à ne point aimer Georges, à n’aimer que l’Autre, celui qui la prendrait tout entière en se donnant tout entier. La répugnance que Barral témoignait pour un divorce, pour un second mariage, fortifiait la rancune de Fanny. Elle se moquait bien du mariage, en vérité ! Mais elle haïssait les réserves, les réticences… Elle trouvait Barral insolent, indélicat, cyniquement égoïste ! Et cependant elle tremblait près de lui, sur la bruyère, les nerfs détendus, les yeux amollis, la paume des mains brûlante.

— Allons-nous-en !

— Où ?

— Au Chêne-Pourpre.