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Georges pâlit :

— C’est impossible quelquefois… et c’est toujours inutile… Et, d’ailleurs, je vous répondrai à mon tour : « Quand on aime un homme, on le suit, on se donne, sans conditions, sans marché. »

Elle répéta ironiquement :

— Quand on l’aime !…

— Fanny !

— Eh bien, qu’il se fasse aimer, s’il peut ! cria-t-elle.

Son rire nerveux retentit, fouettant Barral d’une provocation. Et, sautant sur sa bicyclette, elle s’élança, disparut…

Dans la nef verdoyante, si longue, sous l’arceau des feuillages criblant le soleil, tour à tour dans l’ombre et dans la lumière, la femme fuyait, hirondelle noire au corsage blanc. Elle fuyait, allégée, impondérable, fendant l’air qui glissait en un frais courant sur sa face obstinée, sur sa gorge gonflée, sur ses jambes rapides. Un grand fleuve fluide la baignait, la soulevait tout entière, et, sans savoir où ni comment, elle fuyait, poussée par l’instinct obscur, par l’atavique peur de l’homme, avec le délice et l’orgueil et l’effroi d’être poursuivie…

Et, derrière elle, il accourait. D’abord surpris, puis irrité, puis charmé, il s’enivrait maintenant de cette course à l’amour qui réveillait en lui l’instinct sauvage. Le jeu de ses muscles, le rythme égal de son souffle, la chaleur du sang à ses tempes lui furent un plaisir physique qui dilata son cœur mâle. Sûr de la victoire, il éprouva la plénitude de sa force, pressant les pédales à coups réguliers, sans hâte. Mais Fanny, très loin,