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Autour d’eux, c’était la plaine, seigles bleuâtres, avoines argentées, et les blés qui bientôt allaient jaunir, et, plus loin, un espace de lande, tout en bruyères, et, plus loin encore, le cercle compact et sombre : la forêt. Le soleil était haut dans le ciel. Les aciers des machines lançaient de longs éclairs, et le couple filait, sans effort, en silence.

Ils descendirent l’allée en pente qui s’enfonce dans la forêt ; ils virent fuir, à leur gauche, les terrains réservés aux chasses, les garennes où s’ébattaient des lapins, et, à leur droite, la façade prétentieuse d’un château Louis XVI, trop neuf, les arbres des boulingrins, les pièces d’eau, les faisanderies… Ils remontaient en plaine, glissaient sur la route à travers champs, laissaient derrière eux les derniers chaumes d’un village. Et c’était encore la forêt.

— Reposons-nous ! cria Fanny.

Elle sauta lestement. Barral la rejoignit, et, guidant leurs machines, ils pénétrèrent sous bois.

Ils étaient dans une avenue forestière, très droite, si longue qu’ils n’en voyaient pas la fin. Des chênes aux racines énormes, tordues, tenaces comme des griffes, élevaient une frondaison vigoureuse, d’un vert solide. Il y avait des hêtres jumeaux, au tronc lisse, qui semblaient des hamadryades embrassées, et, de distance en distance, dans l’enchevêtrement du taillis, des bouleaux gouachés de blanc, qui échevelaient leur feuillage pâle. Une odeur forte, une odeur mouillée, montait des fonds de fougères, et sur le bord des talus, la mousse spongieuse, plus foncée que l’olive, plus éclatante que l’émeraude, était semée de champignons.

Georges et Fanny s’assirent sur le piédestal bosselé