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— Ni l’un ni l’autre, mon amie ; c’est une constatation… Et, dans mon esprit, c’est une louange… Vous êtes un être d’amour. Vous respirez l’amour, et vous l’inspirez. Ne vous étonnez donc pas qu’on cherche, autour de vous, l’objet de cet amour, réel ou imaginaire. Moi-même, qui suis votre meilleur, votre plus fidèle ami, je me suis quelquefois demandé comment vous supportiez votre solitude, anormale et cruelle, oui, cruelle, et j’ai pensé…

— Que j’aimais quelqu’un ?

— Oui.

Elle pencha la tête, et il ne vit plus que ses doigts posés sur ses tempes et la masse de ses cheveux noirs.

— Vous ne voulez pas me répondre ?

— Que sais-je ?…

Il eut un vif battement de cœur. Et, par-dessus la table, il voulut saisir les mains de Fanny, les écarter, dévoiler son visage. Passionnément, il désira la conquérir, dénouer ses cheveux, connaître le goût de ses lèvres, la douceur de sa chair. Et lta chaleur de l’étreinte qu’il rêvait lui montait au cerveau. Il fut ivre.

Mais Fanny se leva brusquement :

— Assez de bavardages, dit-elle, le temps passe. Voulez-vous que nous fassions une promenade à bicyclette ? Je vais m’habiller.

Déconcerté, il répondit :

— Oui, madame.

Elle rentra dans la maison. Barral jura :

— Maladroit que je suis ! Je l’ai blessée. Elle n’a pas su me comprendre.

Il était venu avec cette arrière-pensée obscure de