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« Sympathie intellectuelle, échange de sentiments délicats et de sensations délicieuses, c’est ça l’amour, pensait Barral ; ça n’a rien de sublime, mais c’est très doux, et c’est très amusant… Pourquoi ne peut-on faire accepter aux femmes cette simple définition d’une chose très simple ? Il leur faut du drame, de l’élégie, des festons et des astragales… C’est puéril… Il n’y en a pas une, une seule, qui veuille bien descendre de l’empyrée… Pas une !… Et je ne suis pas certain que Fanny… »

Il se prit à rire, tout haut, en secouant la tête. Fanny s’étonna :

— Qu’avez-vous ?

— Je pense, dit-il, que les mêmes imbéciles nous associent dans la même réprobation, et cela m’enchante. Vous êtes une « femme d’amour », je suis un père dénaturé, un mari cruel, un libertin. La méchanceté des sots et la sottise des méchants nous rapprochent. Mais, dites-moi, chère amie, là, franchement, pourquoi êtes-vous si fâchée d’être appelée une « femme d’amour » ?

— Question ridicule !

— Pas tant que cela ! Réfléchissez.

— Une femme d’amour, c’est une fille.

— Mais non ! c’est simplement une femme qui aime l’amour, une femme qui est faite pour l’amour… Et, soit dit sans vous offenser, ma chère, vous représentez exactement ce type de femme, au physique et au moral.

Fanny devint pourpre :

— Est-ce un compliment ou une impertinence, Barral ?