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VI


Gare d’Arras, 10 décembre.

Marie bien-aimée, vous êtes partie ! Le train vous a emportée, et il me semble qu’il a passé sur ma poitrine. J’ai regardé la lanterne d’arrière s’évanouir dans la nuit, et je suis rentré au café de la gare où je vous écris sur ce mauvais papier. La plume tremble, et voilà que l’encre s’étale… Personne ne me regarde. J’ai mis ma main gauche sur mes yeux. Vous seule saurez que je pleure…

Je n’ai pas honte, Marie. Ma douleur est en moi, telle une compagne intérieure qui va vivre de ma vie et qui me parlera de vous. Je l’accueille courageusement, mais je ne suis pas encore accoutumé à elle… Demain, je souffrirai autant que ce soir, mais je ne pleurerai plus.