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Le passé, le présent, se confondaient dans sa mémoire expirante. Elle croyait être au jour ancien où Marie lui avait annoncé ses fiançailles.

La jeune femme balbutia :

— Ce n’est pas mon fiancé, madame, c’est Claude… Claude Delannoy…

Madame Vervins répéta :

— C’est Claude, ton fiancé !

Sa figure retrouvait peu à peu la pâleur et la rigidité du cadavre. Ses paupières s’abaissèrent ; ses mains glissèrent, et sa voix, plus lointaine, dit encore :

« Allez en paix, pauvres enfants ! Je prierai pour tous deux. »

Sœur Joanna fit un signe. Claude se releva, entraînant son amie qui défaillait…

Dehors, dans la ruelle brumeuse où le soir violaçait les murs de briques, sur les pavés luisants, ils marchèrent, Claude tenant toujours le bras de Marie. Des lampes s’allumaient derrière les petits carreaux voilés, et la cloche sonnait, lente, lente…

Claude dit enfin :

— Marie, ceux qui meurent en Dieu voient peut-être l’avenir… Une sainte nous a fiancés… Dans ce monde ou dans l’autre, vous serez mienne… Ne protestez pas ! Ne parlez même pas… J’ai peur des mots que vous diriez, par