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à demi libérée… Madame Vervins habitait déjà le paradis…

Claude voulut se retirer. Alors, sœur Joanna déclara qu’il pouvait bien revoir la « sainte » encore vivante et que, peut-être, elle lui parlerait… Marie insista :

— Nous ne ferons qu’entrer et sortir, dans le plus grand silence.

Elle persuada son ami et ils montèrent le petit escalier, derrière sœur Joanna.

La petite chambre de madame Vervins, basse de plafond, avait deux fenêtres sous des stores empesés. Des rideaux en calicot blanc dissimulaient la couchette de l’alcôve. Un Christ d’ivoire et d’ébène dominait le prie-Dieu et, sur la cheminée, il y avait une Vierge en plâtre.

Réverbérée par ces blancheurs, la froide lumière se concentrait sur le fauteuil garni d’un oreiller blanc. Madame Vervins, renversée dans l’oreiller, était rigide, immobile et diaphane. La cloison des narines semblait traversée par le jour ; les paupières baissées étaient fines comme des pétales flétris ; et cette tête de vieille femme, sertie d’argent par deux minces bandeaux, était déjà une chose précieuse et digne du reliquaire.

Marie s’agenouilla près du fauteuil et baisa la main délicate et desséchée. Elle parla tout bas, comme à l’église.