Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enclos gazonné, des linges étendus rappellent les lits chastes et les cercueils. Et voici l’huis Sainte-Genovèfe où loge madame Vervins…


C’est encore un souvenir d’enfance qui réunit Claude et Marie : ce Béguinage, cette ruelle, cette maison rouge que précède un jardinet humide, pleins d’asters mauves et de gros dahlias couleur de sang séché. Un soir de grandes vacances, madame Wallers les amena, tous deux, chez la dame fluette et noire qu’on appelait déjà la « sainte ». Les deux mioches avaient grand’peur de cette dame qui leur parut très vieille, avec sa voix faible, ses yeux fiévreux, ses mains décharnées. Elle leur parla, cependant, comme une dame ordinaire, comme une bonne amie de leurs mamans, et ils remportèrent de cette visite deux petites croix émaillées et une rose de Jéricho… Marie conserve la croix émaillée. Claude a perdu la sienne, depuis longtemps.

Plus tard, ils revinrent au Béguinage et ils comprirent ce qu’était madame Vervins. Veuve à cinquante ans et très riche, elle avait quitté le monde après la mort de ses enfants et de son mari, et, ne se croyant pas digne d’entrer au couvent, parmi les vierges consacrées, elle était devenue la pensionnaire des béguines. Là, réa-