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— Pourvu que tu montres de la bonne volonté et que tu cesses de critiquer les idées et les façons de sa mère…

— Elle ne cesse de critiquer les miennes !

— Avec raison.

— Avec aigreur.

— Il faut reprendre le gouvernement du ménage que tu as abandonné, par faiblesse et paresse, à madame Van Coppenolle. Ne la supplante pas, tout d’un coup, mais, peu à peu, remplace-la. Surveille les domestiques ; mets les comptes en état ; fais des économies ; occupe-toi des enfants, au lieu de passer des heures à polir tes ongles, à essayer des robes, et à lire des romans ridicules où des femmes ennuyées trompent leur mari…

Isabelle soupira. Jamais elle n’aurait le temps d’acheter la Vie parisienne qui publiait un roman délicieux de Colette Willy et une nouvelle dialoguée d’Abel Hermant… Résignée, elle promena un regard distrait sur le quai sale et humide, sur les rames de wagons au garage, sur les portes des salles d’attente qui battaient lorsqu’un voyageur retardataire arrivait, chargé de valises.

Le reflet d’une pensée secrète passa dans ses yeux glauques.

Madame Wallers demanda :

— Tu cherches quelqu’un ?

— Non, ma tante… Je vous écoute…