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souvent l’homme du Nord, le Nord n’attire guère l’homme du Midi. Il faut être né en Hollande, en Allemagne ou en Angleterre pour y vivre avec plaisir, tandis qu’on voit des gens de toutes races se fixer, par choix, dans les pays méditerranéens.

Claude s’écria qu’il n’était pas un de ces hommes, et qu’il n’éprouvait aucun besoin de vivre « sous un ciel toujours bleu » qui incite à la jouissance et à la paresse. Et comme il était irrité et agacé, et qu’il commençait à prendre en grippe le bel Angelo di Toma, il ne mesura pas ses paroles en opposant l’activité disciplinée des gens du Nord à la misère, à l’incurie, à l’immoralité méridionales.

Angelo ne répondit pas. Il souriait toujours, mais il regardait Claude comme un gentilhomme peut regarder un rustre incivil, intempestif, ennuyeux, un seccatore. Guillaume Wallers interrompit Claude :

— Je ne suis pas suspect d’ingratitude filiale envers ma bonne Flandre, dit-il, en secouant la cendre de sa pipe. Et j’ai presque tous les défauts, sinon toutes les qualités de ma race. Mais j’ai vécu en Italie… Or, pour tout homme qui a reçu la culture gréco-latine, pour nous Français, surtout, celle terre est une seconde patrie. Vraiment, je ne m’y suis pas senti étranger… C’est peut-être, mon cher Claude, parce