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presque honteuse de ne pas regretter André Laubespin.

— Il y a cinq ans que mon âme est veuve de lui, et je me souviens à peine de l’avoir aimé, dit Marie… Je n’affecterai pas une douleur hypocrite… Pourtant, je suis profondément émue par ce mystère terrible de la mort…

Elle s’inquiéta de l’enfant abandonné et promit de veiller sur lui.

Puis elle songea au départ.

— Veux-tu que nous prenions le train de nuit ? dit Isabelle. Tu auras une journée encore pour te reposer, après cette émotion. Ton père doit être prévenu. Il faut télégraphier à Claude… Nous brûlerons Turin… J’irai, avec toi, à Versailles, pour les obsèques… Je ne te quitterai pas… Allons ! Marie, sois énergique !

Elle s’agitait fébrilement, feuilletait l’indicateur, sonnait le portier pour demander la note. Marie, étendue sur un divan, la tête dans ses mains, rêvait et priait.

Mais, après le déjeuner, l’activité d’Isabelle s’arrêta, comme une pendule se ralentit. Une morne immobilité, un silence orageux remplacèrent l’agitation et le verbiage. Et tout à coup, madame Van Coppenolle dit :

— Comme je te détesterais, Marie, si je ne t’aimais pas tant !… Me voilà toute seule à souf-