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Ils sont sincères ; ils racontent ce qu’ils ont vu, mais ils n’ont pas tout vu, et ils se trompent, de bonne foi, et trompent leurs lecteurs par des généralisations audacieuses et hâtives.

Certes, il existe à Naples une population avilie par la misère, et tous les commandements de Dieu n’y sont pas respectés, mais on y peut trouver Salvatore di Toma, et Spaniello, et donna Carmela, et tant d’autres qui leur ressemblent.

Ce sont des gens de la vieille Naples. Ils ont la bonté facile, la plasticité intellectuelle, cette chaleur de cœur qui supprime les inégalités de la fortune et du rang. Ils ne sont pas « moraux », mais le sentiment plus que l’intérêt gouverne leurs âmes mobiles. À la fois très raffinés et très primitifs, individualistes jusqu’aux moelles, par tempérament et non par doctrine, car ils ne s’embarrassent jamais de théories, ils n’ont pas les vertus du Nord, mais ils n’ont pas le dur égoïsme du lutteur, la morgue du parvenu, le snobisme. Ils ne méprisent pas le pauvre. Ils sont indulgents à « l’homme qui n’a pas réussi » ; ils s’attendrissent sur les drames d’amour, même quand le mari trompé ou l’amante trahie jouent du revolver ou du couteau : « Eh ! c’est l’amour ! c’est la nature !… »

Leurs petits-enfants ne leur ressembleront