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— Eh ! puisse-t-il mourir !… Vous ne divorcerez pas, vous abandonnerez votre Claude ?

— Je l’aimerai toujours, même s’il ne me pardonne pas ma décision. Je le chéris d’une tendresse si forte, qu’elle résistera à toutes les épreuves… mais nous souffrirons…

Salvatore la vit si malheureuse qu’il faillit pleurer.

— Chère madame Marie !… si bonne, si belle, si douce !… Dieu ne permettra pas votre malheur ! Il ne demande pas l’impossible à ses créatures…

Elle retournait à Pompéi. Le sculpteur l’accompagna à la gare. Le ciel, comme un fleuve ardent, coulait entre les toits aplatis du Corso Umberto et roulait quelques vagues de nuages. La lumière débordait d’un côté dans la grande rue moderne et commerçante, et faisait étinceler sur les façades grises les lettres dorées des enseignes. L’autre côté était dans l’ombre… Une cohue extraordinaire de véhicules et de piétons s’agitait dans la bande d’ombre et la bande de soleil. Les fiacres, les charrettes, les voitures à bras et les automobiles s’affrontaient, s’enchevêtraient aux carrefours en une masse mouvante qui s’ouvrait devant les tramways dont le timbre autoritaire dominait toutes les clameurs et les rumeurs. Puis les tramways mêmes s’arrêtaient pour laisser défiler un convoi funèbre, un corbillard vitré