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— Vous n’aviez aucun soupçon ? dit Salvatore étonné… Moi, je savais, depuis Ravello, que mon frère aimait votre cousine… Mais à leur âge, n’est-ce pas, ils sont bien libres de faire ce qui leur plaît. Madame Van Coppenolle est une femme superbe et Angelo est un beau jeune homme… Je me disais : « Dieu, qui les a faits pour l’amour, leur pardonnera… »

— Angelo est libre, Isabelle a un mari, des enfants…

— Eh ! personne ne l’a vu, ce monsieur Van Coppenolle ! C’est comme s’il n’existait pas… Qu’est-ce qu’il va faire en Amérique ? Quand on a une belle femme, on la garde, on la surveille… Si votre cousine était la femme d’Angelo, elle ne ferait pas dix pas toute seule, dans la rue, et ne resterait pas cinq minutes tête à tête avec un jeune homme avant d’être tout à fait vieille…

Il n’était pas indigné. Il était contrarié… Troubler de pauvres amants, venger l’honneur de M. Van Coppenolle, désespérer Angelo, — quelle sotte corvée !

Alors, Marie, sentant la résistance, acheva son récit et montra les lettres délirantes d’Angelo.

Salvatore changea de couleur…

« Je comprends, dit-il… »

Il éprouvait un sentiment bizarre de peine et de plaisir. Son frère avait convoité la petite reine