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— Tant pis ! je dirai la vérité brutalement. L’hypocrisie est inutile, puisque tu as surpris mon secret… Ma faute, c’est le seul bonheur que j’ai eu, c’est le fruit que j’ai volé, parce que je mourais de soif et de faim, et dont je garderai le goût délicieux jusqu’à l’heure de ma mort ! C’est ma revanche sur le mari qui m’a prise, presque enfant, comme une femelle, pour que je lui fasse des petits ; qui m’a gâté l’amour, gâté la maternité, gâté la famille, qui m’a dominée, humiliée, ennuyée effroyablement, et jamais, jamais aimée ! Non, non, je ne regrette pas ma faute ! Je ne regrette que ma lâcheté de tout à l’heure, mes larmes, la défaillance de mes nerfs… Rien ne m’empêche de dire que j’ai été heureuse et que cent mille ans de purgatoire ne paieraient pas les jours que j’ai vécus à Ravello !…

— Tai-toi ! C’est abominable ! Tu te glorifies de ton adultère !

— J’ai été aimée comme tu ne seras jamais aimée !

— Dieu me sauve de cet amour-là !

— La nuit, quand tu écrivais à Claude des lettres prudentes, toi qui n’as pas le courage de l’amour, je descendais au jardin, je passais sur un chemin de roses effeuillées ; et l’air était si tiède que je croyais être nue… Comme la porte était lumineuse, sous la guirlande !