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Isabelle ne répondait pas. Marie la pressa longtemps, avec les paroles les plus affectueuses, les plus émouvantes, sans obtenir aucune promesse. Madame Van Coppenolle détournait la tête, dérobait ses mains, balbutiait…

— Elle dit enfin :

— Non, Marie… Ne me demande pas ça… Je serais capable de te quitter en route et de revenir.

L’eau verte des larges yeux se troublait, pleine de souvenirs et d’images, comme ces flaques marines où des herbes dénouées et des bêtes grouillantes brisent, en remous, le reflet du ciel… Ils ne regardaient plus Marie, ces yeux nuancés et cernés par la nuit amoureuse. Invinciblement, ils regardaient vers le mur de gauche, et ils voyaient, réellement, une chambre obscure et petite, un jeune homme endormi…

— Je ne peux pas…

— Il faut pouvoir. Belle !

— Je ne veux pas… Je n’ai ni la force, ni le désir de renoncer au seul être qui m’aime.

Une colère passa dans sa voix.

— Tu me parles de m’en aller demain !… tu feins de croire que je regrette ma faute !… Ma pauvre Marie !… Si tu savais !…

Elle rejeta ses cheveux avec un grand geste d’orgueil et ses joues pâles s’enflammèrent.