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comme une criminelle, à faire semblant de me repentir et je ne me repens pas du tout… Ce qui est arrivé devait arriver… Ah ! l’Italie est dangereuse pour les femmes du Nord qui ne sont pas des couveuses et des ménagères ! Il ne faut pas apporter à Naples une âme mécontente, un cœur vide, des sens inquiets… Ici, dès le premier soir, j’ai été comme une femme qui aurait bu de la tisane toute sa vie et qui boirait du vin, à pleins verres, par un jour chaud… La liberté, la joie, l’amour, tout à la fois, c’est une terrible ivresse, et de plus solides que moi ont chancelé… Elle est très commune, mon aventure, elle est même banale, mais elle se renouvellera toujours…

— Oui, dit Marie, c’est l’aventure de la princesse et du tzigane, de l’archiduchesse et du pianiste, de George Sand et de Pagello !… Tu as suivi d’illustres exemples !… Tu peux être fière !…

Isabelle s’était remise debout. La glace de la toilette refléta son visage meurtri par les larmes, décoloré par le reflet livide du matin et les lueurs jaunes de la bougie… Elle trempa une serviette dans l’eau et rafraîchit ses paupières ; puis elle ferma son peignoir et tordit ses cheveux. Un sourire insolent passa sur sa bouche…

— Et toi, Marie, ne peux-tu être moins fière ?…