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raient, ce poison du désir qui troubla ses nuits, qui lui fit évoquer parfois, en songe, un Claude trop hardi, trop proche… Ah ! les conseils d’Isabelle !… Son petit rire équivoque quand elle disait : « Après tout, si tu ne veux pas divorcer, ce ne sera pas une raison pour être malheureuse, pour martyriser Claude… »

Tous les préjugés de la dévote, tout le dégoût chrétien de la chair, et aussi le sentiment d’avoir été trompée, prise au piège, animent Marie Laubespin d’une colère angélique… Elle a la nostalgie de l’air, de l’eau, de tout ce qui est pur, calme et glacé… Et les roses mûres qui s’effeuillent sur la petite table lui répugnent soudain, avec leurs corolles lâches et lascives, leur pourpre flétrie, leur parfum qui se décompose…

— Marie !… écoute !…

Isabelle est là. Elle tend les mains vers sa cousine ; elle balbutie sa justification…

— Je ne sais pas comment c’est arrivé… J’ai perdu la tête… C’était la première fois, je te jure…

Elle ment très mal, et elle a moins de honte que d’inquiétude… Marie la repousse :

— Laisse-moi !… Je ne te demande aucune explication… C’est ignoble, ce que tu as fait… Ton mari t’avait confiée à nous… Et tu nous as trompés en le trahissant… Va-t’en ! Je ne t’estime plus. Je ne t’aime plus…