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tent. La fortune d’Isabelle permettrait de restaurer le palais Atranelli et de découvrir le trésor… Alors, Angelo, riche, plus riche que sa femme, relèverait le titre de baron. Salvatore travaillerait sans le vil souci du gain et produirait des chefs-d’œuvre… La maman vivrait heureuse, au sein d’une famille toujours accrue, et dépasserait l’âge de cent ans…

Ainsi rêvait Angelo, mais il n’était pas dupe de ses désirs. Il savait bien qu’Isabelle retournerait chez M. Van Coppenolle. Un pauvre diable de peintre ne peut dire à sa maîtresse : « Le mensonge me fait horreur. Quitte ton foyer, partage ma misère et admire ma délicatesse sentimentale. » Désintéressé à sa façon, Angelo ne s’embarrassait pas de ces délicatesses qui ressemblent à un chantage, et son immoralité insouciante n’allait pas sans générosité… Il n’était pas scandalisé quand un beau garçon pauvre épousait une femme riche, parce que l’amour est la seule chose importante, et que des amoureux doivent mettre tout en commun, la table, le lit et la bourse. Si la femme riche, mariée et mère, ne pouvait épouser le beau garçon, celui-ci devait rester pauvre et ne pas moins chérir sa maîtresse… Ainsi Angelo, né au pays des sigisbées et des maris jaloux, accommodait ensemble des idées contradictoires. Mais la haine du mensonge, la manie