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cella… Il primm’amore — lui rappelaient sa jeunesse, ses fiançailles, ses noces heureuses, — et elle essuyait une larme, tandis que don Patrice, transporté dans le passé, fredonnait la Marche de Garibaldi.

Ces reposantes soirées détendaient les nerfs de Marie. Elle devenait, pour une heure, pareille à ces bonnes gens qui l’entouraient, si simples, si contents de vivre, réjouis par le ciel étoile, le jardin en fleur, la musique, la sympathie des âmes du purgatoire et la possession d’un trésor imaginaire. Isabelle et Angelo se jetaient des fleurs en riant ; Peppino agaçait Carulina ; donna Carmela égrenait le chapelet des souvenirs, et, dans l’ombre, Salvatore se rapprochait de Marie. Une passion désespérée gonflait sa poitrine. Il murmurait en son âme l’aveu qu’il interdisait à ses lèvres, et le bonheur deviné d’Angelo lui donnait envie de pleurer. Il pensait que Marie partirait bientôt et qu’il ne la reverrait jamais en ce monde. Alors il ciselait, d’après elle, l’image idéale, la statuette immatérielle qu’il lui élèverait dans le sanctuaire de sa mémoire… Il contemplait, pour les revoir toujours, la petite tête aux cheveux cendrés par la nuit, la robe pâle, la main maigrelette sur le marbre du banc… Cependant Marie songeait à Claude, à la ruelle du Béguinage, au baiser dont elle avait, à peine, senti