Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune, qui a beaucoup pensé déjà et beaucoup pleuré, qui prévoit et accepte les glaives, tandis que l’ange, vêtu de pourpre et de violet comme le soir d’automne, la regarde, l’adore et la plaint.

Elles furent les compagnes des jours apaisés, la Vierge d’Agnolo Gaddi, blanche et bleue, en robe stricte, princesse d’un roman céleste, enclose dans la demeure enchantée, la tour d’ivoire où l’ange même n’entrera pas… Et la Vierge de Baldovinetto qui accueille le messager avec un geste de châtelaine indulgente ; et la Vierge très blonde, attribuée à Vinci, assise au crépuscule dans le jardin des cyprès, devant la table de marbre qui est peut-être un sarcophage antique : elle a une main levée, l’autre main sur le Livre des Prophéties ; son voile découvre son front qui retient toute la lumière…

Plus tard, quand Marie Laubespin se reprit à vivre, quand elle redevint belle, et retrouva cet air de ses quinze ans, cet air distrait, étonné, de la jeune fille en attente, au printemps de cette année même, elle se plut à peindre les plus féminines des madones, celles qui ne prient pas, qui ne lisent pas, qui sont des enfants pieuses et bien coiffées, dans leur petite chambre…

La plus jolie, c’est la fillette florentine de Lorenzo di Credi, dans le beau palais qui ouvre sur un jardin aux buis taillés et sur des montagnes