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tureuses, ne fut séduit qu’au second regard, mais le coup de foudre, un peu tardif, parut l’ébranler tout entier. Il découvrit le charme de l’Agnès française, rose en bouton, papillon roulé qui déplie ses ailes. Et il voulut plaire à son tour. Les Wallers lui étaient favorables : jeune, intelligent, assez riche pour n’être pas soupçonné de vilains calculs, il pouvait choisir entre les jeunes filles de Pont-sur-Deule. Marie l’agréa. Laubespin ignorait tout de son âme. Elle-même prenait pour l’amour l’obscur pressentiment de sa destinée, l’éveil bien vague et bien incomplet de l’instinct féminin et maternel. Elle rêvait à des tendresses fidèles, à des causeries sous la lampe, à des berceaux…

Ils s’épousèrent, et les premiers mois du mariage furent joyeux et doux. Le jeune docteur, installé à Chantilly, où il remplaçait un vieux médecin routinier et bourru, vit chaque jour s’accroître sa clientèle. Il semblait aimer sa petite femme, et n’avait pas encore épuisé le charme de cette candeur et de cette fragilité ; mais, au fond, il était sensuel et voluptueux, et il regrettait que Marie appartînt encore au « sexe des anges ». Tardive, délicate, comprimée par l’éducation, mal préparée à l’intimité conjugale, elle se prêtait à l’amour docilement, et n’imaginait pas d’autres plaisirs que ceux de la tendresse.