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petit fac-similé de brevet supérieur qui enorgueillissait beaucoup madame Wallers.

À cette époque, Marie Wallers était exactement la jeune fille à l’ancienne mode, qui ne soupçonne rien des réalités de l’amour, qui ne soupçonne même pas sa forme de femme et qui s’est toujours baignée en chemise montante et les yeux fermés. Cette éducation qui peut faire des niaises ou des hypocrites, peut aussi façonner des âmes où la vie spirituelle est forte et profonde, où l’instinct humain de l’amour fleurit en mysticité. Marie apportait, dans tous ses jugements, l’intransigeante logique de la jeunesse, et prétendait conserver, dans le monde, ses idées et ses habitudes du couvent. On l’avait accoutumée à l’examen de conscience, à la méditation, à l’effort perpétuel de la volonté qui réprime les mouvements de l’instinct. Elle avait pris au sérieux les enseignements de ses maîtresses ; elle tâchait, naïvement, d’y conformer sa vie extérieure et intérieure. Toujours attentive à gouverner ses pensées, à contrôler ses actes, à s’approcher de la perfection idéale, elle paraissait froide et même guindée. Personne n’eût deviné dans cette âme close l’immense trésor des rêves, des tendresses, des ferveurs, accumulé depuis l’enfance, et dérobé à tous les regards.