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Elle pensait aussi qu’Angelo n’était pas « du monde » quoiqu’il parlât beaucoup des barons Atranelli. Petit bourgeois de Naples, un peu bohème, un peu rapin, et, à vrai dire, point du tout « élevé », il confondait la galanterie et la politesse… Tant de Français, surtout dans le Midi, font la même confusion ! À toute femme, il eût servi le même régal de douceurs. Il disait : « Vous êtes belle… Vous êtes divine… Je rêve de vous nuit et jour !… » comme il eût dit : « Charmé de vous connaître, madame !… » Et ses regards brûlants, ses soupirs, ses allusions à une tristesse qui l’accablait, à un secret enfermé dans son âme, à la mort qu’il eût volontiers soufferte pour assurer la félicité de certaine personne véritablement angélique, tout ce galimatias, toute cette camelote sentimentale, ce n’était pas le désir, ce n’était pas l’amour !… C’était une mode locale, un « produit du pays », comme les chansons, le sanguinaccio, le corail teint et la lave travaillée !…

Pourtant, s’il se croyait épris, quelle complication et quel embarras ! Marie imagina les manœuvres séductrices, l’aveu à grand fracas, et elle résolut d’empêcher à tout prix des scènes délicates et pénibles. L’essentiel, c’est que l’homme n’ait pas prononcé les mots décisifs. Quand il s’en est tenu aux allusions, il peut supposer que