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proverbes, donna des recettes de remèdes et critiqua le gouvernement… Après une heure de palabres, il ouvrit ses boîtes de gants. Alors, plein d’un zèle amical, Salvatore défendit les intérêts de Marie, marchanda sou par sou, perdit une autre demi-heure en débats et fut tout glorieux d’obtenir une réduction de deux francs quarante centimes.

La même scène recommença Corso Umberto, chez le cordonnier, qui parla interminablement de tous les pieds de tous les di Toma qu’il avait chaussés dans sa vie déjà longue. Il voulut vendre à Marie des bottines de grande toilette, à tige haute, en cuir verni vert amande, ou rose, ou rouge cardinal : « Mais quelle belle chose ! voyez !… Est-ce élégant ? Est-ce tchic !… » Salvatore approuvait… Marie protesta… Enfin, après des essayages et de longs débats — avec intermèdes d’historiettes et de considérations politico-religioso-sociales — elle acheta deux paires de souliers et s’en alla fatiguée, étourdie, avec Salvatore, rayonnant. Il avait obtenu un rabais de trente-trois sous !

Le lendemain, à son réveil, Marie fut bien étonnée de recevoir une lettre d’Angelo. Le papier sentait fortement la cigarette et portait une fleur bleue collée à ses quatre coins, « hommage de la flore de Pompéi à la plus belle des Fran-