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Donna Carmela serrait le bras de Marie à lui faire mal… Sa belle figure blanche, sous les bandeaux de marbre noir, sa belle figure de Junon romaine prenait l’expression tragique de la Vierge des Douleurs. Et quand Marie eut apaisé l’angoisse maternelle, en disant qu’Angelo n’était pas libre, qu’il devait travailler, la mère et le frère se répandirent en paroles d’admiration… Cher Angelo ! pauvre Angiolino ! lui, si beau, si gracieux, si sympathique, il travaillait, par ce jour de printemps !

— Et vous, monsieur Salvatore ? Vous ne travaillez donc pas ?

— Je suis à l’atelier dès six heures du matin, madame…

— Eh bien ?

— Eh ! ce n’est pas la même chose…

Il est sérieux, Salvatore, et donna Carmela pensait aussi que le travail d’Angelo était plus précieux, plus attendrissant que le magnifique labeur de Salvatore. Et Marie, un peu indignée de cette injustice, comprit qu’il ne fallait pas insister… Donna Carmela, femme excellente, au cœur puéril et pur, chérissait son fils cadet en vraie Latine, amoureuse de l’homme et surtout de l’homme qu’elle a fait. La tendresse maternelle chez les femmes de cette race est très instinctive, très physique ; elle a la violence de