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n’a jamais touché ses dalles ; les démons de la luxure habitent ses réduits secrets où des courtisanes et des jeunes hommes mêlent leurs corps académiques !… Un bon chrétien ne se sent pas tranquille, le soir, dans ce lieu hanté par des âmes qui n’ont pas connu Jésus-Christ. Angelo ne faisait pas de bravade, puisqu’il était seul ; les vieilles Peurs superstitieuses lui passaient des doigts glacés dans le dos. Alors, simplement, il esquivait un signe de croix, baisait son pouce, et invoquait son patron, l’ange Michel…

Enfin, ne tenant plus en place, il sortait dans la rue, nerveux comme un chat, tout crispé d’horripilation, et il écoutait le silence. Son ouïe hallucinée croyait reconnaître un glissement de voiles, un rire fêlé… Rien… Le Vésuve, au bout de la rue, élevait sa croupe crevassée, qui semblait venir en avant. Une odeur de narcisse montait des jardins, odeur puissante et subtile où se mêlaient un parfum d’éther et un très léger relent de cadavre…

Le crépuscule versait sa cendre sur la cendre…

Et c’était l’heure où les boutiques de Toledo s’éclairent, où les dames, revenant de la Villa Nazionale, font arrêter leurs équipages devant les pâtissiers. Les petits « journalistes » crient à voix rauque les dernières nouvelles… Les vendeurs de citrons et de figues d’Inde allument